
Comme chaque année depuis six ans, le Forum pour l’Investissement Responsable (FIR) adresse aux entreprises du CAC 40 (principal indice boursier de la Bourse de Paris) ses questions écrites sur les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), en vue de leurs assemblées générales. Pour l’édition 2025, l’exercice a été revu : cinq questions ont été posées – quatre génériques et une spécifique à chaque entreprise.
Le Forum pour l’Investissement Responsable (FIR) est une association multi-parties-prenantes fondée en 2001 qui a pour objet de promouvoir et de développer l’Investissement Socialement Responsable (ISR). Le FIR regroupe l’ensemble des acteurs de l’ISR: investisseurs, sociétés de gestion, intermédiaires financiers, agences de notations extra-financières, conseils investisseurs, organisations de place, syndicats, ONGs, associations ainsi que des personnalités qualifiées : avocats, journalistes, universitaires…
Ce FIR a posé une question spécifique posée à l’institution bancaire française Société Générale. La voici :
« Atteindre la neutralité carbone en 2050 pour le secteur des transports en Europe implique d’éliminer progressivement la mise en circulation de nouveaux véhicules légers (voitures et utilitaires) fonctionnant aux carburants fossiles (moteurs thermiques classiques, mais aussi hybrides, y compris hybrides rechargeables) d’ici 2035.
Les activités de financement automobile des banques jouent un rôle clé dans l’atteinte de cet objectif. C’est notamment le cas pour ce qui concerne les prêts pour l’achat de véhicules neufs d’une part, et la location longue durée de véhicules d’autre part.
Peut-on s’attendre à ce que le groupe s’engage publiquement sur une trajectoire d’arrêt total (« phase-out ») des financements de véhicules thermiques et hybrides (y compris rechargeables) neufs au cours de la prochaine décennie (merci de détailler votre réponse) ?
a) Pour les prêts à l’achat, d’une part,
b) Pour les activités de location de longue durée (leasing avec et sans option d’achat), d’autre part ? »
Ce nouveau format permet de mieux s’adapter à l’évolution réglementaire, notamment à l’entrée en vigueur de la directive CSRD, qui impose aux entreprises une plus grande transparence sur leurs données ESG. Il permet aussi d’aborder deux thématiques émergentes : la sobriété et la gouvernance de l’intelligence artificielle, tout en approfondissant des sujets déjà abordés en 2024.
Pour Marie Marchais, Responsable Dialogue & Engagement au FIR, cette initiative vise à encourager des réponses précises, comparables et accessibles à tous les actionnaires. Elle contribue ainsi à une meilleure compréhension des engagements ESG des entreprises et à l’évaluation de leur ambition en matière de responsabilité sociale.
« Influence énorme sur le marché »
Cette question n’a pas manqué de faire réagir les lobbyistes de Transport & Environment (T&E) France, qui se réjouissent de la question.
« Avec 7 % des voitures neuves immatriculées en France l’an dernier financées en leasing par la banque, son influence sur le marché est énorme. Pourtant, aucune date n’a encore été fixée pour mettre fin au financement des voitures thermiques et hybrides neuves. Un vrai angle mort dans sa stratégie climatique », peut-on lire sur son compte LinkedIn.
« Ce n’est pas un détail : les voitures neuves d’aujourd’hui deviennent les véhicules d’occasion de demain. En continuant de financer des modèles polluants, la banque freine l’accès de toutes et tous à des véhicules plus propres et plus responsables. »
« Loin d’être des intermédiaires neutres » ?
En 2024, T&E avait déjà épinglé Société Générale, ainsi que BNP Paribas d’ailleurs, accusant « les filiales leasing de la BNP Paribas et de la Société Générale freinent la transition ».
« Sur les 93 000 voitures louées en 2023 aux flottes professionnelles par les filiales leasing de la Société Générale (dont la plus grande, Ayvens), seules 12 % étaient électriques. Loin de la moyenne du marché automobile français – 17 % de véhicules électriques parmi les modèles neufs vendus en 2023 – et de celui des ménages, à 23 %. Le retard reste encore plus marqué pour la BNP Paribas (et sa principale filiale, Arval) avec seulement 11 % de modèles électriques sur les plus de 80 000 voitures louées aux entreprises l’année dernière », pouvait-on notamment lire dans un communiqué publié en mai 2024.
« La BNP et la Société Générale inondent le marché de gros SUV thermiques et hybrides (segments D, E et F, qui pèsent presque 2 tonnes en moyenne, contre 1,35 t pour la moyenne du marché). La part de ces voitures ultra polluantes et consommatrices de ressources immatriculées par les deux géants bancaires est quatre fois plus élevée que chez les ménages (12 % contre 3 %) et deux fois plus élevée que le marché (6 %).
Si l’entreprise est in fine décisionnaire de la voiture qu’elle loue, les grandes sociétés de leasing sont loin d’être des « intermédiaires de financement neutres » comme elles le prétendent souvent.
Bien au contraire, elles ont un grand pouvoir de marché. Elles commandent des dizaines de milliers de voitures chaque année puis fixent leur prix à la location. Elles influent donc sur les stratégies de production des constructeurs. Nous avons aussi démontré dans un rapport et une enquête de terrain qu’elles influencent négativement les choix de leurs entreprises clientes, en surfacturant l’électrique et en conseillant activement de se tourner vers les voitures thermiques et hybrides. »
#Auto #Fleet Management