
L’hybride rechargeable défendu par la coalition Arizona fait un dérapage (incontrôlé ?), juste avant d’aborder la sortie de l’autoroute vers une législation définitive. Le projet a violemment percuté l’obstacle européen – un obstacle que le gouvernement aurait pourtant dû anticiper depuis longtemps…
Alors que l’avis du Conseil d’État n’avait infligé que quelques égratignures au texte, l’Union européenne, elle, vient de le réduire à l’état d’épave. Et ce n’est pas vraiment une surprise. Car tandis qu’au 16 de la rue de la Loi, on semblait convaincu que l’hybride rechargeable méritait un sursis en tant que technologie de transition, à quelques encablures de là, dans le quartier européen, l’avis était tout autre.
Et cela, on le sait depuis un bon moment. Dès mars de cette année, nous évoquions sur notre site un projet intitulé « Decarbonize Corporate Fleets ». L’objectif : décarboner le parc automobile européen via les flottes d’entreprise. Et cette décarbonation va loin : diesel, essence… mais aussi les hybrides, y compris les rechargeables. Le projet visait clairement à éliminer toutes les voitures de société à moteur thermique pour accélérer la transition écologique. La fiscalité actuelle des voitures de société en Belgique, qui ne favorise plus que les 100 % électriques, y était même qualifiée de « bon exemple ».
Un plan de relance post-covid qui se retourne contre nous
Ce « bon exemple » est aujourd’hui devenu le seul exemple toléré par l’Union : faire revivre les hybrides rechargeables ne cadre tout simplement plus avec la vision européenne. Pourtant, ce n’est pas ce rapport en soi qui a porté le coup de grâce aux PHEV. La Commission européenne ne fait actuellement que consulter les parties prenantes pour soumettre une proposition en fin d’année.
Le coup fatal est venu d’ailleurs : du plan de relance et de résilience post-covid (RRF). Faire marche arrière sur une mesure de verdissement – en l’occurrence, l’électrification complète du parc de voitures de société – serait en contradiction avec ce plan. Et si le gouvernement allait malgré tout à contre-courant, il s’exposerait à de lourdes sanctions. Celles-ci pourraient prendre la forme d’un non-versement des fonds encore dus dans le cadre du RRF, voire de pénalités financières directes.
Notre pays s’était engagé dès avril 2021 à n’octroyer d’avantages fiscaux qu’aux seules voitures de société 100 % électriques. Cet engagement a été réaffirmé dans le chapitre REPowerEU ainsi que dans la version mise à jour du plan de relance RRF que la Belgique a soumis en avril 2025, et qui a été approuvé le 17 juin 2025 par la Commission européenne et le Conseil. En cas de revirement, la Belgique risquerait de perdre plus d’un milliard d’euros d’investissements en mobilité verte ainsi que 282 millions d’euros de subsides européens issus du programme REPowerEU.
Trois scénarios
Une question s’impose alors : comment est-il possible que le gouvernement ait ignoré ces éléments ? Le rapport sur la décarbonation date de mars, et le plan de relance est, bien entendu, antérieur encore. Le projet Arizona a-t-il péché par excès d’ambition en élaborant une loi qui ne passerait jamais le test européen ? Ou bien espérait-on contourner le dernier obstacle en cours de route ? Nous ne le saurons sans doute jamais. Ce que nous savons, en revanche, c’est que nous arrivons au terme d’une saga qui a tenu en haleine ce site pendant six mois. Une législation dont le secteur n’avait d’ailleurs jamais fait la demande ne verra finalement pas le jour. À moins que l’hybride rechargeable ne soit un chat aux neuf vies ?
La Belgique se retrouve donc face à trois options :
- Demander officiellement une modification du plan RRF – une procédure qui, dans tous les cas, ne pourra être finalisée avant la fin juin 2025.
- Poursuivre la mise en œuvre de la mesure en faveur des PHEV sans concertation européenne – en prenant le risque de perdre des financements cruciaux et de créer un précédent conflictuel au sein de l’UE.
- Maintenir la réforme fiscale initiale, déjà approuvée (la loi Van Peteghem) – un système largement accepté, salué comme modèle en Europe, et même repris par la Commission européenne comme source d’inspiration.