E-carburants : nécessaires dans la transition vers le tout électrique ?

L’UE vise à éliminer progressivement les voitures à carburant d’ici à 2030-2035. De plus en plus de constructeurs indiquent qu’ils passeront complètement aux propulsions électriques à batterie dans les années à venir. Reste que, même avec une électrification poussée, de nombreuses voitures équipées d’un moteur à essence seront encore en circulation au cours des 20 prochaines années. Les e-carburants constituent-ils le carburant de transition parfait ? Nous avons enquêté ! 

Que sont les e-carburants et pourquoi sont-ils une solution transitoire possible en attendant les véhicules électriques à batterie ? Nous avons d’abord contacté Mark Pecqueur de la Haute Ecole Thomas More pour une explication technique !

Mark Pecqueur – Thomas More Hogeschool

Mark Pecqueur : « En termes simples, les e-carburants sont de l’hydrogène liquéfié. Lorsque vous combinez de l’hydrogène ‘vert’ avec du CO2 que vous extrayez de l’atmosphère, vous obtenez des carburants synthétiques neutres en CO2. Le fait qu’ils soient neutres en CO2 n’est pas le seul avantage. Vous pouvez les utiliser sans modifications dans tous les moteurs à combustion existants. Les émissions de substances nocives telles que les oxydes d’azote restent spécifiques aux moteurs à combustion. Mais la combustion des e-carburants est en soi déjà plus propre que celle de l’essence et du diesel, qui sont raffinés à partir du pétrole. De plus, nous avons maintenant la norme Euro 6d et la norme Euro 7 arrive. Celles-ci ramènent les valeurs à quasiment zéro. Donc si demain, nous voulons être climatiquement neutres très rapidement, il vaut mieux remplacer nos énergies fossiles existantes par des e-carburants. Cela ne veut pas dire que les véhicules électriques à batterie n’ont pas d’avenir. Cette évolution ne peut être stoppée. Mais il faut quand même tenir compte d’une longue période de transition et donc il vaut mieux rendre tout de suite la flotte roulante neutre en CO2

« Cette évolution électrique ne peut être stoppée. Mais il faut quand même tenir compte d’une longue période de transition et donc il vaut mieux rendre tout de suite la flotte roulante neutre en CO2» – Mark Pecqueur, Thomas More Hogeschool

Trop énergivore ?

Laurien Spruyt – Bond Beter Leefmilieu

Selon Laurien Spruyt, porte-parole de Bond Beter Leefmilieu (une organisation flamande militant en faveur de l’écologie), les e-carburants ne sont pas la solution : « Pour rendre les e-carburants neutres en CO2, vous ne pouvez utiliser que de l’hydrogène produit de manière renouvelable. Par exemple, au moyen de l’énergie solaire et éolienne. Ce processus s’accompagne de pertes d’énergie que vous n’avez pas avec les véhicules électriques à batterie. C’est pourquoi nous ne pensons pas que les e-carburants constitueront la voie d’avenir pour les voitures et les véhicules utilitaires légers. De plus en plus de constructeurs comme Audi, VW, Volvo, Ford, Jaguar et d’autres ont déjà annoncé qu’ils ne développeraient plus de nouveaux moteurs à combustion dans les années à venir. Ils sont pleinement engagés dans les véhicules électriques à batterie. Cela renforce notre conviction que les e-carburants n’ont en réalité aucun avenir pour la mobilité personnelle. Nous admettons toutefois qu’ils peuvent encore jouer un rôle à l’avenir dans des secteurs où aucune alternative électrique n’existe, tels que le transport lourd, le transport maritime et certains secteurs industriels. Mais même dans ce cas, le processus de fabrication devra être moins énergivore et, surtout, moins coûteux. »

Mark Pecqueur n’est pas d’accord avec l’affirmation selon laquelle l’intensité énergétique constitue un problème : « Le processus de fabrication des e-carburants est aujourd’hui plus énergivore que le raffinage du pétrole. Mais en soi, cela fait peu de différence car la part des énergies renouvelables ne fera qu’augmenter à l’avenir. »

Les constructeurs hésitent entre deux idées

Comme le souligne à juste titre Laurien Spruyt, de plus en plus de constructeurs automobiles annoncent qu’ils vont progressivement arrêter le développement des moteurs thermiques. Est-il toujours judicieux de parier sur les e-carburants ? Certains semblent hésiter entre deux idées… dont Porsche. Le constructeur de voitures de sport n’échappe pas non plus à l’électrification, mais fait encore quelques efforts pour prolonger la durée de vie de ses moteurs thermiques.

Porsche a construit une usine en Patagonie (Chili) en collaboration avec Exxon et Siemens spécialement pour le développement des e-carburants. Dans cette région, l’énergie éolienne verte est toujours disponible pour produire de l’hydrogène de manière écologique. Et il est presque impossible de transporter de l’électricité et même de l’hydrogène de cette contrée vers le reste du monde. Selon Porsche, l’e-carburant est le seul moyen d’utiliser ce petit potentiel écologique.

Porsche prévoit de produire un demi-million de litres de carburant synthétique par an d’ici 2026. Dans un premier temps, la marque l’utiliserait principalement pour le sport automobile – Porsche envisage un retour en Formule 1 si elle peut utiliser ce carburant – mais aussi pour ses Experience Centers. Par la suite, le carburant serait également proposé au grand public. Porsche est fier que la majorité de ses voitures, y compris les ancêtres, circulent toujours aujourd’hui et considère ces carburants synthétiques comme un moyen de garder cette dernière catégorie de véhicules sur la route. A un certain prix, il est vrai, car au départ un prix de 10 €/litre ne semble pas inconcevable.

Porsche prévoit de produire un demi-million de litres de carburant synthétique par an d’ici 2026

« Plus tard, le prix peut devenir compétitif », explique Michaël Steiner, le patron de la division R&D du constructeur automobile allemand. « Mais la transition vers l’e-mobilité va se poursuivre. Les carburants synthétiques seront donc plutôt un moyen de maintenir durablement en vie un nombre limité de voitures à essence, comme la 911 classique, plutôt que de devenir une véritable alternative à la conduite électrique. »

La marque sœur Audi voit également l’e-carburant comme une alternative d’avenir, mais de nombreuses autres marques montrent peu d’enthousiasme. Elles ont déjà entamé le virage stratégique et sont pleinement engagées dans l’électrification. Il est frappant de constater que jusqu’à présent, seule Mazda a rejoint l’eFuel Alliance, une organisation qui soutient et promeut le développement et la production de carburants climatiquement neutres.

Peter Gemoets – Mazda

Le porte-parole Peter Gemoets explique pourquoi : « Avec la MX 30, nous avons également un véhicule électrique depuis l’année dernière. Nous sommes donc favorables à l’électrification, mais en tant que constructeur, nous ne partons pas du principe que les EV auront demain le monopole. Nous continuons donc à soutenir notre approche multi-solutions, qui inclut également les moteurs thermiques. C’est pourquoi nous nous sommes engagés dans l’efuel Alliance. Nous considérons l’aspect neutre en CO2 de ce carburant comme un atout important. Nous examinons les émissions de CO2 de tous les véhicules, de la source au recyclage. Les EV n’émettent pas de CO2 là où ils roulent, mais il faut aussi regarder comment est produite l’électricité qui remplit leurs batteries. »

Qu’en pensent les automobilistes ?

Stijn Blanckaert – Freesponsible

L’électrification de notre flotte ne peut être arrêtée, mais bon nombre de conducteurs espèrent rouler le plus longtemps possible avec leur moteur thermique. Il est donc logique que les e-carburants puissent compter sur le soutien nécessaire de ce côté. Stijn Blanckaert, porte-parole de Freesponsible, qui représente les intérêts de l’automobiliste, résume : « Nous pensons que les moteurs à combustion seront toujours nécessaires après 2030. Par exemple, pour les conducteurs qui font beaucoup de kilomètres ou qui ne disposent pas d’infrastructure de recharge à domicile. Et même en faisant abstraction de cela, une électrification poussée nécessitera une période de transition d’au moins 10 ans après 2030 avant que le parc roulant ne soit remplacé par des EV. C’est pourquoi nous sommes pour les e-carburants. Ils rendent immédiatement les voitures d’aujourd’hui climatiquement neutres et offrent également une perspective future. »

Un ‘détail’ qui compte

Sur papier, les e-carburants semblent être une alternative écologique à nos carburants existants. Mais ils sont énergivores et coûteux et ne sont pas encore produits à grande échelle. Ajoutez à cela le switch que de plus en plus de constructeurs opèrent vers les véhicules électriques à batterie et les e-carburants semblent avoir peu de chance de « sauver » le moteur thermique. D’autant plus que cette technologie ne bénéficie que de peu de soutien – voire aucun – sur la scène politique.

Mais il y a encore un ‘détail’ qui compte : en réalité, il faudra encore au moins 20 ans avant que les voitures à essence ne soient progressivement supprimées. Si vous en achetez une à la fin de cette décennie, vous pourrez encore la conduire pendant dix ans. La question demeure donc : à quoi rouleront toutes ces voitures au cours des 20 prochaines années : des carburants fossiles ou des e-carburants climatiquement neutres ? La logique plaide en faveur de ces derniers. Alors ne dites jamais jamais…

#Auto #Mobility

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