L’alcool au volant, finalement quand même une bonne idée ?

« A l’alcool, la cause de… et la solution à… tous nos problèmes dans la vie », a dit un jour Homer Simpson et il y a certainement une part de vérité là-dedans. En effet, l’alcool peut jouer un rôle important dans l’approvisionnement énergétique futur. Mais avant d’y arriver, un détour via l’hydrogène est nécessaire.

Un article d’opinion du Dr. Ir. Louis SileghemPostdoctoral Research Assistant à l’Universiteit Gent

Il est de plus en plus souvent question d’hydrogène dans les médias : le port d’Anvers a commandé un nouveau remorqueur pouvant naviguer à l’hydrogène, la première maison à hydrogène a été inaugurée aux Pays-Bas et dans l’accord de coalition flamand figure notamment l’ambition de devenir le leader européen en matière d’hydrogène.

Tout récemment encore nous avons appris que Colruyt et Fluxys veulent produire de l’hydrogène à partir de l’énergie éolienne. De Tijd écrivait à ce propos : « Cela permet de convertir de l’électricité verte en gaz à grande échelle (power to gaz), rendant ainsi notre système énergétique plus flexible. »

L’énergie renouvelable est imprévisible  

Et de la flexibilité, nous en avons bel et bien besoin. Une caractéristique inhérente aux énergies renouvelables telles que les énergies solaire ou éolienne est qu’elles sont imprévisibles. Une grande quantité d’électricité est produite les jours ensoleillés et quand il y a beaucoup de vent tandis que d’autres jours, on n’en génère à peine.

Une société qui serait dépendante exclusivement de l’énergie solaire et/ou éolienne afficherait par exemple une surproduction d’énergie solaire et une pénurie en hiver. Pour résoudre ce problème, un important tampon d’énergie s’impose pour combler la pénurie d’énergie à certaines périodes. L’une des façons envisagées d’y parvenir est l’hydrogène.

Il est intéressant de voir pourquoi on met actuellement l’accent précisément sur l’hydrogène et s’il n’existe pas d’autres technologies en mesure de percer (à long terme). Et pourquoi pas les batteries ?

Les batteries : en fin de compte quand même pas l’ultime technologie ?

Combinées à de l’énergie solaire ou éolienne renouvelable, les batteries sont souvent considérées comme la technologie ultime.

Si l’électricité renouvelable ne peut pas être utilisée directement, elle peut être stockée dans un grand bloc de batteries pour une utilisation ultérieure, par exemple dans une voiture électrique.

Cela peut se faire très facilement et il y a peu de pertes de conversion par rapport à la conversion vers de l’hydrogène. Les batteries sont excellentes pour certaines applications mais ne peuvent pas stocker de grandes quantités d’énergie pendant une longue période, certainement pas pour couvrir plusieurs mois.

Par ailleurs, les batteries utilisent souvent des métaux tels que le lithium et le cobalt dont on ne sait pas s’il y en a suffisamment sur notre planète. Pas plus qu’on ne sait si la production et le recyclage peuvent être portés à un niveau suffisant pour répondre aux besoins futurs. L’origine des métaux, principalement concentrés dans certaines zones géographiques qui ne sont pas toujours politiquement stables, présente également un aspect éthique trop peu pris en compte.

L’hydrogène : le maillon idéal

Partant de l’hypothèse qu’à l’avenir, il y aura une transition vers une production d’énergie renouvelable (nous laissons de côté l’énergie nucléaire pour l’instant), il faudra créer un vecteur énergétique. Ce vecteur énergétique doit être capable non seulement de stocker de grandes quantités d’énergie mais aussi de le faire pendant longtemps et de préférence de la manière la plus économique possible.

Le vecteur énergétique idéal pour stocker de très grandes quantités (térawattheures !) pendant quelques mois, voire quelques années, est un élément chimique, une molécule. La molécule la plus simple qui puisse être utilisée à cette fin est l’hydrogène gazeux – en abrégé hydrogène – composé de deux atomes d’hydrogène.

Ainsi, l’énergie électrique renouvelable est en fait stockée dans de l’énergie chimique en décomposant l’eau en oxygène et en hydrogène sous l’effet d’un courant électrique. Par conséquent, l’énergie est renfermée dans l’hydrogène, un combustible, l’oxygène étant une matière résiduelle. Le développement de la technologie de l’hydrogène pourrait donc s’avérer essentiel en tant qu’étape vers une société qui utilise principalement des énergies renouvelables.

Par rapport aux combustibles fossiles, l’hydrogène présente malheureusement quelques inconvénients : il est gazeux, sa densité énergétique est inférieure et il ne possède pas d’atome de carbone. La nature gazeuse de l’hydrogène présente des inconvénients surtout pour le stockage et la distribution. Il est plus difficile et plus coûteux de stocker et de distribuer un combustible gazeux qu’un combustible liquide. Par conséquent, la construction d’un réseau de distribution d’hydrogène serait beaucoup plus coûteuse que pour un combustible liquide.

L’absence d’atome de carbone dans l’hydrogène peut paraître illogique. En effet, la combustion d’un combustible carboné libère du CO2, ce que nous voulons bien sûr éviter. Le fait qu’il s’agisse d’un inconvénient se comprend lorsqu’on voit à quelles fins sont utilisés les combustibles fossiles (dont l’hydrogène deviendrait en fait un substitut).

Ils ne le sont pas seulement pour produire de l’énergie ou comme carburant pour nos véhicules, mais aussi comme blocs de construction de nombreux produits avec lesquels tout le monde entre en contact quotidiennement, comme les plastiques, les détergents, les peintures, les liquides de refroidissement, les matériaux synthétiques… Une part importante des combustibles fossiles est donc utilisée dans des secteurs autres que les transports ou l’énergie.

Pour pouvoir supprimer complètement l’utilisation des combustibles fossiles, il est donc non seulement nécessaire de trouver un vecteur d’énergie, mais aussi un nouveau bloc de construction pour les produits mentionnés ci-dessus.

Un bon bloc de construction doit nécessairement être constitué d’une molécule renfermant à la fois de l’hydrogène et du carbone. En outre, une molécule idéale serait de préférence liquide, en raison des avantages en termes de stockage et de distribution, mais aussi en raison de la densité énergétique plus élevée des combustibles liquides, essentielle pour certains secteurs, comme l’aviation.

L’alcool : une perspective intéressante pour l’avenir

C’est là que l’’alcoolique’ en nous se manifeste, car l’alcool renferme une perspective d’avenir intéressante.

Si nous scannons les molécules qui remplissent toutes les conditions susmentionnées, l’alcool apparaîtra comme un sérieux candidat. Le méthanol (CH3OH), l’alcool le plus simple, en est un très bel exemple. Le méthanol peut facilement être fabriqué à partir d’hydrogène et de CO2.

L’hydrogène en est donc aussi à la base et reste important dans ce contexte. Le CO2 pourrait être capté dans l’air et ensuite combiné avec de l’hydrogène renouvelable pour produire du méthanol. Le cycle du CO2 est ainsi bouclé : lors de la production de méthanol, du CO2 est prélevé dans l’air et lors de la combustion du méthanol, la même quantité de CO2 est à nouveau libérée.

Au bout du compte, il n’y a dès lors plus de production de CO2. De plus, le méthanol est aussi un excellent carburant qui peut être utilisé avec un haut rendement grâce à ses bonnes propriétés et au fait qu’il s’agit d’une molécule simple par comparaison avec les carburants fossiles actuels.

Ainsi, il n’y a aucun composé carbone-carbone dans la molécule et donc pas de production de suie ou de particules fines. Autre avantage : il peut facilement être mélangé à d’autres carburants, ce qui pourrait permettre une transition progressive plutôt qu’un changement brusque.

Le méthanol peut donc être utilisé comme carburant pour le secteur des transports, comme bloc de construction pour, notamment, le secteur chimique et comme tampon énergétique pour le secteur de l’énergie.

Capter du CO2… on se croirait en pleine science-fiction et c’est un fait que faire concurrence au prix de revient des combustibles fossiles reste difficile. Cependant, il existe déjà des projets pilotes, par exemple en Islande, dans le cadre desquels du méthanol est produit à partir de CO2 et d’hydrogène.

En Flandre, des discussions sont en cours pour installer une usine de méthanol dans le port de Gand. Du méthanol peut être produit à partir de l’énergie renouvelable des parcs éoliens de la mer du Nord et du CO2 des activités industrielles du port de Gand.

L’avenir ? Un mix des technologies

En fin de compte, il est important de se rappeler qu’il est très peu probable qu’une seule technologie puisse résoudre tous les défis de l’avenir mais que des solutions ambitieuses sont nécessaires à long terme pour tous les secteurs.

Grâce à des projets innovants et à une législation progressiste, nous pouvons saisir l’occasion de faire une réelle différence, mais seulement si nous regardons le tableau dans son ensemble. Dans ce contexte, l’hydrogène n’est pas l’étape finale mais un point de départ !

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