Sigrid de Vries – ACEA : « La neutralité technologique reste essentielle pour notre industrie dans la transition durable »

DAVID PLAS PHOTOGRAPHY

Quel est l’avis de Sigrid de Vries, Directrice Générale de l’ACEA (Association des Constructeurs Automobiles Européens), sur le plan d’action pour l’industrie automobile européenne présenté ce mercredi par la Commission européenne ? Nous lui avons posé la question à peine 24 heures après l’annonce !

Quelles sont vos premières impressions sur ce plan d’action ?

On sent un changement de mentalité au sein de la Commission européenne. Il y a une volonté d’apporter un meilleur équilibre entre la transition écologique et la compétitivité économique de l’Europe. Et c’est un signal essentiel. L’industrie automobile est soumise à une législation abondante, souvent pour de bonnes raisons, mais si cela exerce une pression excessive sur les ressources, l’équilibre est rompu. La vraie question est : comment rendre l’Europe plus attractive pour les entreprises ? Comment encourager non seulement la vente et l’utilisation de véhicules ici, mais aussi leur fabrication et leur production sur le continent ? C’est un point clé, et je vois dans ce plan certains éléments qui marquent un changement de paradigme.

Le plan d’action met fortement l’accent sur le soutien à la production de véhicules électriques en Europe, alors que la demande des consommateurs reste faible. Est-ce la bonne approche pour atteindre les objectifs de réduction de CO₂ ?

Le rôle du législateur n’est pas d’imposer une technologie, et la Commission européenne elle-même le reconnaît. Pourtant, dans les faits, ce n’est pas le cas aujourd’hui. L’industrie automobile est convaincue qu’il faut exploiter toutes les technologies disponibles pour réduire les émissions de CO₂ : hybrides rechargeables, hydrogène et e-fuels. Ces derniers peuvent même permettre des « quick wins » en réduisant rapidement les émissions du parc roulant actuel, plutôt que de se focaliser uniquement sur le passage aux véhicules 100 % électriques.

Nous avons déjà 15 % de véhicules électrifiés en Europe, un chiffre impressionnant atteint en quelques années grâce aux investissements massifs des constructeurs. Mais en réalité, nous devrions être à 25 %. Ce décalage montre qu’un reality check est nécessaire : proposer des véhicules électriques, c’est bien, mais si les consommateurs ne les adoptent pas, il faut ajuster la stratégie. Sinon, c’est toute la viabilité économique de notre industrie qui est menacée. Attention, il ne s’agit pas de revenir en arrière : l’électrification est irréversible et positive. Mais il est crucial d’intégrer des paramètres économiques pour sécuriser l’avenir du secteur.

Le plan maintient les objectifs climatiques, mais introduit plus de flexibilité dans le calendrier. Cela signifie aussi un report des pénalités pour les constructeurs. Quel est votre avis sur cette « politique de la sanction » ?

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Elle n’a pas de sens dans un contexte mondial. Aux États-Unis et en Chine, on mise sur des incitations, tandis qu’en Europe, on met l’industrie sous pression avec des sanctions. Les pénalités ne devraient s’appliquer qu’aux entreprises qui refusent de faire des efforts, ce qui n’est pas le cas des constructeurs européens, qui ont investi massivement dans la transition verte.

Le plan soutient fortement la production de véhicules électriques et de batteries en Europe. Mais n’est-il pas trop tard, alors que la Chine contrôle déjà 70 % des matières premières ?

Non, mais le défi est immense. L’extraction des matières premières en Europe est soumise à des normes écologiques strictes, ce qui est positif mais à prendre en compte. Et il ne faut pas oublier que de nombreux constructeurs européens ont déjà noué des partenariats stratégiques avec des entreprises chinoises pour la technologie des batteries. Rupture de ces alliances ? Ce serait contre-productif, car nous en aurons encore besoin à l’avenir.

Le plan ne mentionne pas les menaces de droits de douane de Donald Trump sur les produits européens. Est-ce une préoccupation ?

Absolument. L’industrie automobile est un marché mondial, et nous avons longtemps bénéficié de cette intégration. Une guerre commerciale serait un choc majeur, comme on l’a vu avec le Brexit. Cela a entraîné des coûts massifs et une perte d’efficacité en raison de la désorganisation des chaînes de valeur. Si les tensions commerciales s’aggravent, l’impact sur les coûts de production, les prix des véhicules et la compétitivité européenne serait considérable. Nous espérons éviter ce scénario catastrophe.

Le plan propose la « location sociale » pour démocratiser l’accès aux véhicules électriques. Est-ce suffisant ?

Non, ce n’est qu’une solution partielle, qui concerne une minorité de la population et repose sur des fonds publics. Chaque incitation financière doit être examinée à l’échelle européenne : en a-t-on les moyens ? De plus, son déploiement sera complexe dans toute l’UE, à cause des différences fiscales et de niveaux de revenus entre États membres.

Nous soutenons toute forme d’aide, mais les incitations doivent être adaptées au niveau national. La Belgique en est un bon exemple avec ses avantages fiscaux pour les voitures de société, qui ont permis une adoption rapide des véhicules électriques. Une approche flexible et ciblée est la clé.

#Auto

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