Un « Brexit » dans les flottes ? (vidéo)

Non, nous n’appelons pas au boycott des marques britanniques ou de celles qui disposent d’un site de production au Royaume-Uni. Mais, selon le scénario retenu pour la sortie du UK de l’Union européenne (UE), ce Brexit des véhicules produits outre-Manche pourrait s’opérer de lui-même dans les flottes. Et les marques présentes sur le territoire de la Reine-mère l’ont bien compris. Ce n’est pas pour rien qu’elles ont eu l’arrogance (de notre point de vue, en tout cas) de préparer un podium, au pied de la Tour Eiffel, représentant les modèles produits en terres britanniques… Une opération de charme en marge du Salon de Paris ?

Près de neuf constructeurs sur dix présents au Royaume-Uni étaient en faveur d’un « Bremain » au sein de l’UE. C’est ce qui ressort d’une enquête menée par la Society of Motor Manufacturers and Traders (SMMT, l’équivalent anglais de FEBIAC) avant le vote survenu en juin dernier. Ils n’ont manifestement pas été entendus. Dommage car le secteur automobile est l’une des industries qui avaient le plus à perdre d’un vote en faveur du « Brexit ».

UK flagC’est que l’automobile « made in UK » avait jusqu’ici le vent en poupe. En 2015, près de 1,6 million de véhicules y ont été produits. C’est la première fois qu’un tel chiffre était atteint depuis la récession. Quelque 10 milliards d’euros y ont été investi depuis 2013. La production automobile concerne plus de 160.000 emplois directs. La SMMT estime l’impact indirect à 800.000 postes.

Le problème pour les Britanniques, c’est que 77 % des véhicules produits sur leur sol sont destinés à l’exportation. Et parmi ceux-ci, 57,5 % débarquent sur le Vieux Continent. Les sujets de Sa Majesté ont donc tout intérêt à négocier le libre-échange, la libre-circulation des biens et des personnes et les normes d’homologation des véhicules par l’UE. C’est la seule manière de calmer les esprits des Nissan, Tata (propriétaire de Jaguar Land Rover), Mini, Toyota, Honda et autres General Motors…

  • Scénario 1 : l’option norvégienne

Le Royaume-Uni ferait partie de l’espace économique européen (EEE) et bénéficierait donc, à l’instar de la Norvège, d’un accès complet au marché unique. Elle obéirait aussi aux règles de libre circulation des biens et des personnes chère à l’UE.

Par contre, la Norvège ne bénéficie pas des accords de libre-échange que l’Union européenne a conclu avec une cinquantaine de partenaires. Mais en tant que membre de l’Association européenne de libre-échange (AELE), les Norvégiens peuvent négocier leurs propres « deals » commerciaux.

  • Scénario 2 : l’option suisse

Tout comme la Norvège, la Suisse fait partie de l’AELE, mais a négocié des accords bilatéraux avec l’UE. Elle obéit également à la libre circulation des biens et des personnes. Par contre, la Suisse est libre de négocier des accords bilatéraux avec des pays tiers. Il s’agit donc d’une deuxième solution plausible pour le UK.

  • Scénario 3 : l’option canadienne

L’accord économique et commercial global (CETA) permet l’exonération des droits de douane sur de nombreux produits à l’importation ou à l’exportation entre la Canada et l’Union. Pour info, l’accord n’est pas encore ratifié alors qu’il est discuté depuis sept ans. Good luck aux British, donc !

Peu de chance que Londres choisisse cette option car seuls 6 % des biens de l’Union européenne sont exportés au Royaume-Uni. De plus – mais cela ne nous concerne pas vraiment ici -, le CETA ne garantit pas la levée des droits douaniers sur les services.unp-ae-33472-nissan-plant-sunderland-019

  • Scénario 4 : l’option OMC

Sans accord ou dans l’attente de celui-ci, ce sont les conditions de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) qui prévaudront. Avec des taxes douanières, une évaluation en douane des marchandises ou encore le contrôle de l’origine des produits. L’addition pourrait alors être salée, surtout pour les marques produisant des modèles plus « modestes ». Leurs véhicules risquent d’être moins attractifs chez nous.

Bien avant que le vote ne soit effectif, Toyota avait prévenu : en cas de Brexit, les voitures produites sur le sol britannique seraient plus chères de 10% environ, notamment à cause de ces droits de douane. Pas de raison que cette estimation ne vaille que pour Toyota. 10% sur des flottes de dizaines de véhicules, ça peut faire mal sur l’addition finale.

Sauver le soldat Auto ?

Nul doute que les Britanniques tenteront de négocier l’option norvégienne ou suisse. Mais les dirigeants européens ont déjà prévenu : le Royaume-Uni n’aura pas le beurre et l’argent du beurre.

Et, aussi étonnant que cela puisse paraître, le secteur automobile peut éventuellement en tirer avantage. Car s’il est bien un secteur que l’UE cherchera à affaiblir, c’est celui des banques et des finances, histoire de contraindre la City à perdre de l’influence. Mais l’Europe devrait alors lâcher du lest en proposant, notamment, un accord de libre-échange sur les biens manufacturés. Ce libre-échange sera défendu bec et ongles par la SMMT, mais aussi probablement par les constructeurs qui ne disposent pas de site de production outre-Manche. Car n’oublions pas que ceux-ci doivent pouvoir écouler leur production sur un marché qui est aujourd’hui le deuxième plus grand de l’UE.

Un autre espoir que doit nourrir l’automobile, c’est une baisse significative (et sur le long terme) de la Livre sterling. Elle a déjà fortement baissé, direz-vous. C’est vrai. Mais si elle ne grimpe pas et ne devient pas une valeur refuge, le secteur automobile pourrait compenser les droits de douane par un gain de compétitivité. Si, à l’inverse, la devise reprend significativement du poil de la bête, les marges de constructeurs risquent d’être fameusement grevées.

brexit-parisPremiers effets

Il est évidemment trop tôt pour se prononcer sur l’avenir de l’automobile après le Brexit. Le processus de sortie qui sera long n’est même pas encore entamé. Mais Tata a déjà évalué l’impact d’un Brexit à 1,47 milliard d’euros sur ses bénéfices annuels. D’autres constructeurs parlent de plusieurs centaines de millions. Et là, on n’envisage que l’impact financier. Plus concrètement, Opel va devoir mettre des travailleurs allemands au chômage technique en attendant de voir comment se comporteront les Insignia et Corsa de l’autre côté de la Manche, marché porteur pour ces deux modèles. General Motors envisage même de fermer ses deux usines britanniques vers 2020. Il est vrai que leur productivité avait déjà fortement baissé ces 10 dernières années. Mais le Brexit accélérerait le processus.

Quant aux Britanniques, ils paient d’ores et déjà certaines voitures plus chères. PSA, par exemple, y a annoncé une augmentation moyenne de 2 % sur les modèles des trois marques (Peugeot, Citroën et DS) depuis le 1er août. Mais ça, c’est le problème des Britanniques. C’est ce qu’on appelle « assumer ses choix » ! Seul souci, c’est que dans la longue démarche vers une sortie des Britanniques de l’UE, les consommateurs et les flottes « continentaux » (et donc belges aussi) risquent d’être affectés. Payer plus cher un véhicule pour les beaux yeux de William et Harry… Oh my god !

#Auto #Fleet Management

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