Foncer droit dans la muraille de Chine ?

L’UE entend bien s’attaquer de front aux constructeurs automobiles chinois avec des droits de douane et des moyens de pression économiques renforcés. Les constructeurs occidentaux, eux, préfèreraient une stratégie plus nuancée, moins agressive. Quels sont les enjeux ?

La Présidente de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen, a lançé en septembre dernier une enquête sur les subventions accordées aux constructeurs chinois qui produisent des véhicules 100% électriques (EV). Au cœur de l’analyse, figuraient entre autre les aides d’état et le dumping des prix pratiqués par certains constructeurs, lesquels pourraient déboucher sur de nouveaux droits de douane appliqués par l’UE sur l’importations des EV chinois.

Ursula von der Leyen a reçu pour cette action le soutien du gouvernement français, bien évidemment favorable à une répression plus sévère envers la concurrence chinoise pour renforcer sa politique déjà mise en place ; à savoir un programme d’aide à l’achat pour les EV, encadré entre autre par des critères liés au développement durable, lesquels excluent naturellement la plupart des modèles chinois. Luca de Meo, le PDG de Renault, nuance l’avis du gouvernement français. Il est lui aussi favorable à cette batterie d’obstacles destinée à barrer la route des voitures chinoises à destination de l’Europe, mais sans pour autant les bannir du marché.

On est plus critique du côté de l’Allemagne. L’industrie automobile d’outre-rhin a ainsi accueilli cette enquête avec plus de scepticisme, craignant entre autre des contre-mesures de la Chine qui pourraient nuire à la diffusion des produits européens sur le plus grand marché automobile mondial. “Cette enquête ‘anti-subventions’ ouverte par la Commission Européenne sur les voitures électriques chinoises n’a pas été suffisamment coordonnée avec Berlin”, a déclaré Andreas Rade, directeur général de l’association allemande de l’industrie automobile.

Conflit d’intérêts

L’affaire est en effet plus compliquée. Au-delà des opportunités commerciales qu’elle promet en tous sens, il faut aussi reconnaitre que la Chine bénéficie d’une solide avance dans le domaine de l’automobile 100% électrique. Une avance non seulement technologique, mais aussi industrielle puisque la Chine possède à elle seule la plupart des matières premières nécessaires à leur fabrication. Actuellement, 76 % de la production mondiale de batteries est réalisée en Chine. Par conséquent, de nombreux constructeurs, européens mais aussi américains, dépendent d’accords de coopération avec les Chinois pour leurs batteries. La Tesla Model Y, par exemple, est équipée d’une batterie BYD, tandis que d’autres grands constructeurs occidentaux sont également clients de fabricants chinois : Ford, Mercedes-Benz, Toyota, BMW… et la liste est bien plus longue encore.

Actuellement, 76 % de la production mondiale de batteries est réalisée en Chine. Par conséquent, de nombreux constructeurs, européens mais aussi américains, dépendent d’accords de coopération avec les Chinois pour leurs batteries.

En creusant un peu, on constate que bon nombre de constructeurs utilisent aussi moulte composants chinois. À l’image de la dernière plateforme e-CMP employée pour les modèles électriques compacts du Groupe Stellantis, comme la Peugeot e-208 ou l’Opel Mokka Electric, développée en collaboration avec le Chinois Dongfeng. Cela étant, ces modèles n’en sont pas pour autant considérés comme chinois. Il en va de même pour les constructeurs non chinois qui produisent en Chine leurs modèles pour l’exportation. Généralement d’origine européenne, américaine ou japonaise, ceux-ci agissent évidemment de la sorte pour réduire leurs coûts de production ou de logistique.

Les modèles européens construits en Chine

Les BMW X3 destinés à l’Europe sortent presque tous de l’usine de Spartanburg, en Caroline du Sud (États-Unis)… Sauf le iX3 100% électrique, qui, lui, est assemblé à Shenyang, en Chine.

Citroën semble être parvenu à produire sa nouvelle citadine compacte et abordable – la ë-C3 – sans passer par de la sous-traitance ou des usines chinoises. Néanmoins, Citroën ne reste pas complètement écarté de la Chine : la grande berline C5-X est toujours fabriquée là-bas.

Le Cupra Tavascan qui devrait poser ses roues sur notre marché avant la fin de l’année sera également importé de Chine. Un indicateur intéressant, dès lors que des modèles similaires comme les Volkswagen ID.4, ID.5 ou Skoda Enyaq sont fabriqués en Europe pour les européens.

Autre exemple : la Dacia Spring. Connue sous ce nom en Europe, la Spring est basée sur la Renault Kwid, un crossover compact destiné aux marchés en croissance et doté d’un moteur à combustion (essence) classique pour les marchés non européens. Sa version 100% électrique, aussi dénommée Renault City K-ZE est produite dans une usine partagée avec Dongfeng en Chine, dans laquelle sont aussi apposés les logos Dacia sur les modèles Spring destinés à l’Europe.

DS, la marque de luxe du Groupe Stellantis, a aussi choisi Chine pour produire son vaisseau amiral DS 9 pour tous les marchés.

Et puis, il y a aussi Volvo, qui fait partie intégrante du groupe chinois Geely, et dont le dernier petit SUV électrique EX30 sort actuellement de la chaîne de production de Zhangjiakou. Fort heureusement, une partie de la production de ce modèle sera prochainement transférée vers notre usine de Gand, à partir de 2025.

Enfin, la Lotus Eletre (Lotus appartient également à Geely) est aussi totalement produite en Chine.

Et cette liste est loin d’être exhaustive. On pourrait, par exemple, y ajouter la Smart n°1 ou la Mini Cooper 100% électrique, elles aussi Made in China.

La main dans le nid guêpes

Compte tenu de cette relation complexe, il est évident que de nombreux constructeurs automobiles occidentaux préfèrent éviter la confrontation directe avec leurs partenaires chinois. Et l’on ne peut que constater qu’Ursula von der Leyen a mis la main dans un nid de guêpes avec cette proposition. Le manque de perspicacité ou de connaissance profonde d’un dossier est un jeu dangereux lorsque les enjeux sont si élevés.

#Auto

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