
Ce mardi 16 décembre 2025, la Commission européenne a présenté son paquet automobile, destiné à ajuster la trajectoire climatique et industrielle de l’Union face aux profondes mutations du secteur. Si le débat s’est largement cristallisé autour de l’assouplissement de l’objectif CO₂ pour 2035, un autre pilier du texte s’avère tout aussi structurant : la proposition de règlement sur le « Greening of Corporate Fleets », qui place les voitures de société et les véhicules utilitaires légers au cœur de la stratégie de décarbonation.
Pour la Commission européenne, les flottes constituent un levier prioritaire : elles concentrent une part significative des nouvelles immatriculations et alimentent, à moyen terme, le marché de l’occasion. Mais sur le terrain, les réactions montrent que l’ambition réglementaire dépasse parfois la maturité du marché.
Des objectifs nationaux contraignants dès 2030
La proposition impose aux États membres d’atteindre, à partir de 2030, une part minimale de véhicules zéro et faibles émissions dans les nouvelles immatriculations réalisées par les grandes entreprises. Les PME sont formellement exclues, mais cette exemption reste largement théorique pour le secteur du leasing et de la location, où la plupart des acteurs seront considérés comme de grandes entreprises, entraînant leurs clients dans le périmètre d’application.
À partir de 2028, les aides publiques ne pourront en outre bénéficier qu’aux véhicules à faibles ou zéro émission, et uniquement s’ils sont fabriqués dans l’Union européenne — un critère encore imprécis, mais potentiellement déterminant pour l’offre disponible.
Leaseurope : efficaces, les objectifs nationaux ?
Comme déjà dit dans un article spécifique, Leaseurope, représentant le leasing et la location au niveau européen, remet principalement en cause l’efficacité d’objectifs nationaux contraignants qui, selon elle, ne tiennent pas suffisamment compte des réalités du marché, notamment en matière d’infrastructure de recharge et de valeurs résiduelles.
ACEA et CECRA : deux avertissements complémentaires
L’ACEA salue la volonté de la Commission de concilier ambition climatique et réalisme industriel, mais insiste sur la nécessité d’une mise en œuvre pragmatique, alignée sur la capacité de production, les chaînes d’approvisionnement et la compétitivité internationale des constructeurs européens.
La CECRA, pour sa part, attire l’attention sur un angle mort majeur du texte : le marché de l’occasion. Pour les distributeurs et réparateurs, l’électrification massive des flottes ne sera durable que si la demande privée pour les véhicules électriques d’occasion est activement soutenue.

Renta : l’analyse du terrain et la réalité économique
Du côté des acteurs belges du leasing et de la location, Renta adopte une position à la fois réaliste et critique. La fédération ne remet pas en cause l’objectif de décarbonation des flottes, mais pointe un déséquilibre fondamental dans la proposition européenne.
« Les plans de la Commission imposent des objectifs clairs pour le marché des véhicules neufs, mais ils restent étonnamment silencieux sur les mesures nécessaires pour garantir un marché de l’occasion viable », souligne Stijn Blanckaert, directeur de Renta.
Une avance belge qui devient un défi
La Belgique est aujourd’hui l’un des pays les plus avancés en matière d’électrification des flottes B2B. Chez les membres de Renta, près de 75 % des nouvelles commandes de voitures de société sont déjà zéro émission. Une réussite que Stijn Blanckaert attribue à la cohérence du cadre fiscal belge :
« La fiscalité belge a clairement orienté le marché vers les véhicules zéro émission. Les résultats sont là et la Commission elle-même reconnaît ce modèle comme une référence. »
Mais cette avance expose aussi le marché belge plus tôt que les autres à des problématiques structurelles, en particulier en aval du cycle de leasing.
Le marché de l’occasion, clé de voûte absente
Pour Renta, la transition ne pourra réussir sans un marché de l’occasion électrique solide et fluide. Or, celui-ci reste aujourd’hui insuffisamment soutenu.
« Sans stimulation de la demande privée pour les véhicules électriques d’occasion, le risque est que tout le poids économique repose sur les loueurs, via des valeurs résiduelles sous pression », avertit Stijn Blanckaert.
L’absence de leviers fiscaux ou financiers pour les particuliers, combinée aux incertitudes sur la batterie et l’infrastructure domestique, freine encore l’absorption des volumes croissants d’EV issus des flottes.
Des impacts très différents selon les modèles de location
Renta souligne également que tous les segments ne seront pas affectés de la même manière : « Pour le leasing à long terme, les objectifs 2030 semblent atteignables. Pour la location à court terme, en revanche, la transition est beaucoup plus complexe et dépend fortement de la demande réelle du marché. »
Dans ce contexte, la réussite du règlement dépendra largement des choix politiques nationaux et de leur capacité à accompagner le marché au-delà des seules immatriculations neuves.

Les objectifs belges
Renta a dressé les objectifs belges.
À compter du 1er janvier 2030, les grandes entreprises actives en Belgique devront veiller à ce que 90 % au moins des nouvelles immatriculations de voitures de société concernent des véhicules à faibles émissions ou zéro émission – soit une combinaison de PHEV et de véhicules entièrement électriques. À l’intérieur de ce quota, la Commission impose un seuil minimal de 58 % de véhicules totalement sans émissions, ce qui revient, dans les faits, à une majorité de voitures 100 % électriques.
Cette trajectoire se durcit encore à l’horizon 2035 : la part combinée de véhicules à faibles et zéro émission devra alors atteindre 95 %, avec une exigence identique pour les véhicules entièrement électriques, marquant une quasi-disparition des motorisations thermiques dans les flottes concernées.
Pour les camionnettes immatriculées par les grandes entreprises, la Belgique se voit assigner des objectifs différenciés. Dès 2030, au moins 52 % des nouvelles immatriculations devront concerner des véhicules utilitaires légers à faibles ou zéro émission, dont 47 % au minimum entièrement sans émissions. Là aussi, l’ambition monte progressivement pour atteindre, en 2035, un objectif de 95 % de véhicules zéro ou faibles émissions, aligné sur celui fixé pour les voitures particulières.
Une épine dans le pied du gouvernement Arizona ?
Le paquet automobile proposé par la Commission européenne est claire : à partir de 2028, les aides publiques ne pourront bénéficier qu’aux véhicules à faibles ou zéro émission, et uniquement s’ils sont fabriqués dans l’Union européenne — un critère encore imprécis, mais potentiellement déterminant pour l’offre disponible.
Les mesures qui viennent d’être votées à la Chambre au sujet de la fiscalité des PHEV pour les indépendants devraient passer à travers les mailles du filet. Les plug-in hybrides sont en effet considérés, a priori, comme étant des véhicules à faibles émissions.
Par contre, en ce qui concerne les camionnettes, le gouvernement Arizona vient de prendre une décision sur laquelle il va sans doute devoir se pencher à nouveau à l’avenir. En effet, lors du dernier accord budgétaire, l’équipe de Bart De Wever a décidé de ne pas augmenter à plus de 100% la déductibilité des camionnettes électriques pour faire des économies de plus de 80 millions à l’horizon 2030. Sauf que… conservée, cette mesure aurait sans doute permis à la Belgique de prendre l’avance sur les objectifs qui seront les siens si ce paquet automobile européen est validé en l’état par les eurodéputés.
Une ambition à compléter
Le volet « Greening of Corporate Fleets » confirme la volonté de la Commission européenne de faire des flottes d’entreprises le moteur de l’électrification. Mais les réactions convergent sur un constat : les objectifs, à eux seuls, ne suffisent pas.
Infrastructure, fiscalité, marché de l’occasion et sécurité économique devront impérativement compléter ce cadre contraignant. Les débats à venir au Parlement européen et au Conseil seront déterminants pour transformer cette ambition en une transition crédible, équilibrée et soutenable.
#Auto #Fleet Management