Dossier semi-conducteurs : voilà pourquoi votre voiture est livrée plus tard

« Semi-conducteurs ». Jusqu’il y a peu, le mot était à peine connu, mais de nos jours, il est sur toutes les lèvres. La crise de la Covid va en effet de pair avec une pénurie majeure de ces minuscules composants électroniques. Et cela a des conséquences sur la livraison de votre voiture. Mais que sont les semi-conducteurs et pourquoi leur production prend-elle du retard ? Un dossier en trois parties, la semaine prochaine nous vous donnerons le point de vue des constructeurs automobiles et des sociétés de leasing sur la question.

Les semi-conducteurs sont utilisés pour fabriquer les puces électroniques nécessaires aux voitures modernes. En effet, les voitures ressemblent de plus en plus à des ordinateurs qui s’appuient sur ces puces non seulement pour la gestion du moteur, mais aussi pour la technologie d’infodivertissement et de nombreuses options de sécurité (par exemple, les caméras de recul).

Cependant, en raison de la crise sanitaire, les semi-conducteurs sont devenus une denrée rare sur le marché international. Au plus fort de la pandémie, les mesures sanitaires ont abouti à la fermeture de près de 90% des usines de véhicules et de pièces détachées en Chine, en Amérique du Nord et en Europe. De leur côté, les constructeurs automobiles ont nettement réduit leurs achats de semi-conducteurs puisque la vente de voitures a fortement baissé.

En revanche, les ordinateurs, téléviseurs et autres appareils électroniques grand public se sont bien vendus pendant la crise, ainsi que les équipements médicaux bien sûr. Ce sont donc ces secteurs qui ont passé des commandes importantes aux fabricants de semi-conducteurs, tandis que l’industrie automobile était dans une phase plus attentiste. Résultat : la reprise du marché automobile au 3e trimestre 2020 a entraîné des problèmes d’approvisionnement, les constructeurs étant en effet assez loin dans la file d’attente. De plus, les marques automobiles fonctionnent selon le principe du juste-à-temps, selon lequel elles gardent le moins de pièces possible en stock afin de réduire les coûts logistiques.

Pour ne rien arranger, en mars de cette année, un incendie s’est déclaré chez Renesas, un géant japonais spécialisé dans les « legacy chips » utilisées quasi exclusivement dans le secteur automobile. Et relancer la production s’avère compliqué : Renesas ne fonctionnerait toujours pas à sa capacité pré-coronavirus.

Ce concours de circonstances entraîne aujourd’hui des retards sur les lignes de production de plusieurs constructeurs automobiles. Des retards qui, selon certaines sources, ne seront totalement absorbés que d’ici deux ans. 

Certains fabricants de semi-conducteurs ont toutefois été prévoyants. Par exemple, le belge Melexis, qui a maintenu ses stocks à un niveau élevé en 2020. Et leurs clients ont pu en profiter, comme les usines belges d’Audi et de Volvo.

L’industrie automobile friande de « vieux » semi-conducteurs

Les semi-conducteurs pour voitures doivent être infaillibles. Ils doivent toujours fonctionner et ne jamais faillir.

Parmi les facteurs déterminants, il y a les exigences spécifiques du secteur automobile en matière de semi-conducteurs. Les géants de l’électronique grand public tels que Samsung et Apple ont constaté que la demande pour leurs produits n’a fait qu’augmenter pendant la crise de la Covid. Les gens étaient plus souvent à la maison à cause du confinement et puis il y a eu le télétravail. L’industrie automobile s’étant arrêtée brutalement, les fabricants de semi-conducteurs comme Intel ont réorienté leur production en fonction de la demande. Il s’agissait de « vieux » semi-conducteurs ayant fait leurs preuves. Aujourd’hui, il existe déjà une nouvelle génération sur le marché utilisée par les producteurs d’électronique grand public. Et celle-ci ne connaît pas de problèmes de production.

La question logique est donc : pourquoi les constructeurs automobiles ne l’utilisent-ils pas ? La réponse est tout aussi logique : les semi-conducteurs pour voitures doivent être infaillibles. Ils doivent toujours fonctionner et ne jamais faillir. Les constructeurs automobiles savent que la « vieille » génération est fiable. Les nouveaux le sont probablement aussi. Mais l’utilisation d’un nouveau type de semi-conducteur dans une voiture nécessite un protocole de validation beaucoup plus étendu que pour un ordinateur portable ou un smartphone par exemple. En effet, tellement plus de choses en dépendent. Et d’abord en termes de sécurité. Il ne s’agit pas de simplement pousser sur « reset » lorsque votre régulateur de vitesse intelligent ne répond pas durant quelques secondes. Sous-traiter ce protocole à des laboratoires spécialisés : cela prend du temps et surtout coûte cher. L’implémenter rapidement au beau milieu d’un cycle de production en cours : les constructeurs préfèrent reporter l’opération au prochain changement de modèle.

Immatriculations en baisse 

Actuellement, les immatriculations de nouvelles voitures sont en baisse par rapport à l’an dernier, en pleine crise du coronavirus. C’est ce qui ressort des chiffres de la fédération sectorielle Febiac. Et ce n’est dû à la demande. Les carnets de commandes des marques automobiles sont bien remplis mais elles les honorent simplement plus tard. Et cela donne une image faussée des immatriculations. Les retards peuvent s’élever à plus d’un an. En d’autres termes, il s’agit de ne pas traîner pour commander, que vous achetiez votre voiture à titre privé ou passiez par un contrat de leasing.

Une autre option consiste bien sûr à choisir des voitures en stock, bien que leur nombre diminue quotidiennement. D’ailleurs, le jeu de l’offre et de la demande augmente le prix de ces voitures, et il est plus difficile de réaliser une bonne affaire. De plus, une telle voiture ne peut correspondre totalement à vos préférences.

Vous optez pour une nouvelle voiture ? Gardez à l’esprit que certaines d’entre elles sont prioritaires à l’usine. Il peut s’agir de modèles plus chers, mais aussi plus écologiques, au vu des objectifs de CO2 qui s’imposent aux marques automobiles. Bien qu’aucune ligne précise ne puisse être définie à ce niveau.

Vers des usines européennes de semi-conducteurs ?

Ursula von der Leyen

Comment pouvons-nous empêcher cette situation dans le futur ? La solution la plus évidente est bien sûr de produire des semi-conducteurs soi-même. Bien que l’Europe compte encore de nombreuses usines automobiles, le Vieux Continent est toujours très dépendant de l’Asie à ce niveau. Même si cela devrait être moins le cas à l’avenir, à en croire la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Elle s’est montrée ambitieuse dans son discours sur l’état de l’Union début septembre : l’Europe doit produite ces pièces elle-même. « Une question de compétitivité, mais aussi de souveraineté technologique. Les semi-conducteurs sont indispensables dans l’économie numérique, mais en raison de leur pénurie, des lignes entières de production fonctionnent déjà au ralenti en Europe », a souligné von der Leyen. La demande augmente énormément, mais en même temps, la part de l’Europe dans la chaîne de valeur a diminué. « Nous dépendons des puces asiatiques », note-t-elle. La Commission veut donc une nouvelle loi européenne sur les puces. Objectif : réunir savoir-faire et investissements. « Le but est de créer conjointement un écosystème européen avancé en matière de puces, qui comprend également la fabrication. Cela devrait garantir notre sécurité d’approvisionnement et développer de nouveaux marchés pour une technologie européenne d’avant-garde », a déclaré von der Leyen.

#Auto

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