Voiture de société électrique en Belgique : « La fiscalité atteint ses limites »

Electric car charging at home, Clean energy filling technology. 3D illustration

La Belgique s’est longtemps posée en modèle dans la transition vers la voiture électrique grâce à une fiscalité incitative. Mais “arriver à un palier, après des années d’élan, c’est un signal : l’impôt n’est pas une baguette magique”, nous met en garde Emmanuel Degrève, président de la Fondation Forum For the Future et expert fiscal. Selon lui, il est temps de dépasser l’« incitation » pour bâtir une véritable « capacité ».

Depuis des années, notre pays a misé sur la fiscalité pour faire monter en puissance le parc des véhicules électriques. Comme le souligne Emmanuel Degrève sur le blog de la Fondation Forum for the Future : « La Belgique a longtemps été citée en exemple pour sa politique de verdissement du parc automobile. Sous l’effet d’une fiscalité incitative – déductibilité intégrale pour les voitures de société 100 % électriques, carte de recharge totalement déductible, désavantage progressif pour les moteurs thermiques – notre pays figure parmi les meilleurs élèves européens ».

Cette approche a porté ses fruits : les flottes d’entreprises ont massivement basculé vers l’électrique, notamment grâce à la déductibilité intégrale prévue jusqu’en 2026. Mais, selon Degrève, « cet instrument atteint désormais ses limites ».

Un palier atteint

Les chiffres parlent d’eux‑mêmes : la part des nouvelles voitures de société « 100 % électriques » stagne légèrement. Emmanuel Degrève insiste, s’appuyant sur des chiffres de Febiac : « Plus de 75 % des nouvelles immatriculations des grands groupes sont électriques. En revanche, le taux descend à 55‑57 % dans les PME et à 50 % dans les très petites entreprises, qui disposent de moins de moyens pour investir dans des bornes de recharge ou renégocier leurs contrats de leasing. Pour les indépendants et les particuliers, la situation est encore plus difficile : le coût d’achat reste élevé et les infrastructures de recharge ne sont pas toujours accessibles. »

L’infrastructure reste le talon d’Achille

La voiture électrique n’est pas qu’une question d’avantage fiscal. « L’infrastructure de recharge demeure un frein majeur », affirme Degrève, qui met le doigt sur la fracture territoriale : « La Flandre, plus dense en bornes publiques, tire le marché vers le haut. Mais la Wallonie, malgré un rattrapage récent, accuse un retard structurel. Quant aux villes, elles posent un problème particulier : comment installer une borne dans un immeuble collectif, sur un trottoir étroit ou dans un quartier historique ? Pour les indépendants et les particuliers sans garage privé, ces obstacles deviennent vite rédhibitoires. »

Ainsi, la fiscalité peut bien déclencher le mouvement, mais elle « ne remplace pas l’investissement public massif et coordonné nécessaire pour soutenir une nouvelle infrastructure énergétique ».

Une vision technologique et industrielle à élargir

« La fiscalité reste figée sur une technologie spécifique », alerte le président de Forum for the Future. Il rappelle que l’électrique reste centrale, mais « il n’est plus seul ». Hydrogène, biocarburants de synthèse, batteries à semi‑conducteurs, ou encore redéploiement nucléaire européen, tous ces éléments « modifient déjà les paramètres de long terme ».

Emmanuel Degrève invite ainsi à repenser l’articulation entre fiscalité et politique industrielle : « L’impôt peut déclencher, mais il ne peut pas tout transformer. Il ne remplace ni les réseaux d’énergie, ni la recherche, ni les choix industriels structurants. »

Passer de l’incitation à la capacité

Pour que la Belgique reste un moteur de la transition énergétique, Degrève appelle à passer d’une logique d’« incitation » à une logique de « capacité ». Il insiste sur plusieurs leviers : sécuriser la production d’électricité (y compris via un redéploiement nucléaire), soutenir l’innovation dans plusieurs technologies, simplifier l’accès aux infrastructures de recharge, mieux accompagner les PME, les indépendants et les particuliers dans la transition.

Le fiscaliste conclut : « L’impôt n’est pas une baguette magique, c’est un levier – puissant mais limité – qui doit s’intégrer dans une stratégie énergétique et économique d’ensemble. »

Le scénario est clair : la fiscalité a permis l’essor de la voiture électrique en Belgique, mais son influence s’essouffle à mesure que s’accumulent les défis d’infrastructure, de territoire et de technologie. La transition ne peut plus reposer uniquement sur l’avantage fiscal. Comme l’indique Emmanuel Degrève : « Continuer à croire que la fiscalité suffit reviendrait à prolonger artificiellement une croissance déjà en plateau ».

Dès lors, c’est une politique complète — qui combine fiscalité, infrastructures, capacité industrielle et soutien ciblé aux acteurs plus fragiles — qu’il faut déployer pour éviter que le train de la transition ne déraille.

#Auto #Fleet Management

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